Claude Lévi-Strauss
J'ai découvert Lévi-Strauss grâce à "Tristes tropiques" qu'une de mes tantes m'avait offert - je devais avoir 18 ou 19 ans... Merci Annie :-)
Ce livre m'a énormément marquée car je trouvais enfin des mots qui disaient et précisaient certaines de mes pensées... et c'est aussi ce livre qui m'a donné le goût des lectures autres que "romanesques"...
J'ai été dans une école franco ivoirienne jusqu'en 6ème, avec des cours d'histoire et de géographie sur l'Afrique et la Côte d'Ivoire, et des cours d'instruction civique ivoirienne et française. Français ou ivoiriens, il ressortait de toutes ces années passées ensemble une profonde conviction que nous étions égaux : riches - chacun - de notre histoire et de notre culture, et que ces histoires et cultures étaient également éminemment respectables...
Lorsque j'ai lu Tristes tropiques, ça ne faisait pas bien longtemps que nous étions rentrés en France (2 ans), et je vivais très mal le décalage Afrique / France - la différence d'expérience de vie avec mes camarades, la différence de connaissances, leur indifférence ou leur rejet de l'altérité, et l'incompréhension sur ce qui les motivait vraiment dans leur quotidien... Ce livre m'a donc, d'une certaine manière apaisée, confortée et éveillée...

Quelques citations de Claude Lévi-Strauss :
Par ethnocentrisme on entend un préjugé qui consiste à ne juger une autre culture que par référence à la sienne, sous la forme de projection de jugements de valeur... (Entretiens)
Ce que nous nommons exotisme traduit une inégalité de rythme, significative pendant le laps de quelques siècles et voilant provisoirement un destin qui aurait bien pu demeurer solidaire. (Tristes Tropiques)
Quand nous commettons l’erreur de croire le sauvage exclusivement gouverné par ses besoins organiques ou économiques, nous ne prenons pas garde qu’il nous adresse le même reproche, et qu’à lui, son propre désir de savoir paraît mieux équilibré que le nôtre. (La Pensée sauvage)
Les blancs proclamaient que les Indiens étaient des bêtes, les seconds se contentaient de soupçonner les premiers d'être des dieux. A ignorance égale, le dernier procédé était certes plus digne d'hommes. (Tristes Tropiques)
On a mis dans la tête des gens que la société relevait de la pensée abstraite alors qu’elle est faite d’habitudes, d’usages, et qu’en broyant ceux-ci sous les meules de la raison, on pulvérise des genres de vie fondés sur une longue tradition, on réduit les individus à l’état d’atomes interchangeables et anonymes. La liberté véritable ne peut avoir qu’un contenu concret : elle est faite d’équilibres entre des petites appartenances, de menues solidarités : ce contre quoi les idées théoriques qu’on proclame rationnelles s’acharnent ; quand elles sont parvenues à leurs fins, il ne reste plus qu’à s’entre-détruire. Nous observons aujourd’hui le résultat. (Entretiens)
Cultures : pour qu'elles persistent dans leur diversité, il faut qu'il existe entre elles une certaine imperméabilité. (Le regard éloigné)
L'humanité s'installe dans la mono-culture; elle s'apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. Son ordinaire ne comportera plus que ce plat. (Tristes Tropiques)
Peut-être découvrirons-nous un jour que la même logique est à l'oeuvre dans la pensée mythique et dans la pensée scientifique, et que l'homme a toujours pensé aussi bien. (Anthropologie structurale)
Mais il va voir maintenant qu'il peut veiller sur l'humanité :-)
Puissions-nous vouloir nous orienter vers une peu plus de respect
et d' "essentiel"...
>>> photographie d'un masque "passeport" baoulé, du sud de la Côte d'Ivoire
Des infos complémentaires sur la vie et l'oeuvre de Lévi-Strauss :
=> la page wikipédia
=> les pages de l'Académie française où l'on trouve aussi certains de ses discours
=> un extrait de Race et histoire